Dans la première partie de l’entretien le ministre dresse un
bilan d’étape des
sept premiers mois passés à la tête de ce département, répond à quelques
préoccupations formulées.
Madame le ministre, quel regard jetez-vous sur votre
département ministériel sept mois après votre prise de fonction?
Il vous souviendra que Son
Excellence Ali Bongo ONDIMBA a averti les membres du Gouvernement de ce qu’il n’y
aurait pas d’état de grâce. En effet, le Gouvernement, n’est pas un lieu
d’apprentissage.
Je voudrais ajouter que, dès ma
prise de fonctions, le président de la République a pris des initiatives
fortes en ce qui concerne la cohésion sociale et le partage de la prospérité :
à cet égard, il a lancé un Pacte social et des Assises sociales.
Pour revenir à votre question, il
importe d’abord de savoir que c’est un département qui a vocation à prendre en
charge les risques sociaux et les prestations relevant de la solidarité
nationale.
Composé d’une demi-douzaine de
directions générales, il est certainement le département où l’approche genre a
tout son sens puisque, à l’exception notable de la direction générale de la
promotion des associations, toutes ces directions générales ont à leur tête des
femmes. Même si je dois tout de suite préciser que ces femmes ont une expérience
certaine et un vrai sens du management.
Il convient ensuite de retenir
que ce département ministériel a deux mille agents répartis sur toute
l’étendue du territoire. C’est peut-être le département qui permet de connaître
le mieux le quotidien des populations gabonaise les plus vulnérables. A cet
égard, une cartographie de ces populations est en cours d’élaboration pour
mieux préparer les décisions aux fins de les sortir de la précarité.
Enfin, le département dont j’ai
la charge a initié nombre d’actions dont certaines sont visibles, parce
qu’elles s’adressent directement aux différents bénéficiaires ; d’autres ne
sont pas apparentes, parce qu’elles répondent à la refonte de textes organiques
devant dorénavant régir ses actions.
D’une manière générale, je
voudrais dire que ce département remplit ses missions, même si je dois
souligner que le chemin est encore long pour atteindre les objectifs qui nous
ont été assignés.
Certaines de vos directions seraient saturées au point
qu’elles se soient parfois obligées de pratiquer le turn-over de leurs agents.
Pourquoi ne pas envisager des affectations à l’intérieur du pays où il manque
du personnel ?
Les différentes directions
générales, au nombre de six si l’on ne prend pas en compte les organismes sous
tutelle, sont confrontées au quotidien à la précarité, à l’exclusion et aux
incidences de l’explosion démographique en milieu urbain. Certes, Libreville et
son agglomération comptent près de 70 % de la population gabonaise. Néanmoins,
vous avez raison, il importe que les ruraux aussi bénéficient de la présence
de l’administration. Cependant, notre territoire est couvert par les
coordinations provinciales dans tous les chefs-lieux de province et les centres
sociaux dans tous les départements.
C’est pourquoi, dans les
prochains jours, un audit des ressources humaines va être mené pour favoriser
une meilleure utilisation des ressources humaines.
S’il est vrai que le ministère en
charge de la Prévoyance sociale souffre d’un manque d’espace pour la gestion et
l’utilisation optimale de ses ressources humaines, cela reste partagé par
nombre d’administrations. Aussi, tentons-nous à rester performants malgré ce
handicap.
La solution qui consisterait à
affecter tous azimuts les agents à l’intérieur doit, elle aussi, obéir à une
logique rationnelle d’utilisation des ressources humaines. Les personnels des
services déconcentrés sont en nombre suffisant.
Ce sont les conditions de travail
et l’absence de moyens roulants notamment qui constituent les véritables freins
à l’efficience des services sociaux.
Les conditions de logement à
l’intérieur du pays, l’absence dans certaines zones d’infrastructures annexes
à l’épanouissement peuvent obérer l’efficacité de l’administration, c’est
indéniable. C’est pourquoi, le plan d’action 2015 que je propose est fondé sur
la redynamisation des structures à l’intérieur du pays.
Libreville a abrité un colloque sous régional sur la
question des veuves, un sujet pour lequel la Première Dame s’est énormément
investie. Que retenir de ces assises ?
Comme l’a si souvent souligné la
Première Dame Madame Sylvia Bongo ONDIMBA « soutenir les veuves, c’est contribuer
à la construction d’une société plus juste ».
Aussi, le colloque sous régional
organisé à l’occasion de la quatrième édition de la journée internationale de
la veuve a-t-il été le lieu de partage entre les différents Etats participants
sur les stratégies, les engagements et les résultats enregistrés dans la lutte
contre la spoliation et le devenir de la veuve.
La situation financière, des
conjoints survivants bien plus catastrophique que ne le démontrent les
statistiques connues, devrait, avec le concours et l’implication de tous,
s’améliorer grâce à l’action d’une allocation aux conjoints survivants, à la
prise en charge médicale et aux diverses prestations familiales.
Les assises de Libreville auront
donc été une opportunité de partager les législations des Etats représentés
(Congo, Cameroun, Guinée-Equatoriale et Sénégal) dans la gestion active du
phénomène de spoliation, de désengagement familial, de limite ou d’absence de
textes de loi visant la protection des veuves.
En somme, une opportunité de
réajustement des politiques en matière de protection de cette frange
vulnérable de notre population.
Au-delà du discours et des textes pris en leur faveur,
auriez-vous quelques statistiques de veuves dont les droits successoraux ont
été acquis grâce à l’intervention de votre ministère ? De manière générale,
avez- vous le sentiment que la situation des veuves et des orphelins a vraiment
changé au sein des familles gabonaises ?
Juger de l’efficacité d’une
action ou d’une procédure nécessite qu’on fasse parfois l’historique du
phénomène qu’on tente de réguler.
Nous partons d’une lutte contre
des pratiques culturellement admises qui instituent une injustice. A savoir
que femme et enfants ne peuvent jouir des fruits du labeur de leur père (mère),
conjoint à la mort de celui-ci. C’est cela le caractère injuste de cette
pratique qu’on tente d’éradiquer.
La première exigence aura donc
consisté à sensibiliser les populations gabonaises au caractère néfaste de
cette pratique ; par la suite, de revoir l’arsenal juridique permettant de
lutter efficacement contre ce phénomène ; par la suite et enfin, proposer une
assistance juridique à tous ceux et à celles dont le devenir se trouvait
compromis par cet état de fait.
La direction générale de la
protection de la veuve et de l’orphelin a initié une collaboration avec des
cabinets d’avocats, des études de notaires et d’huissiers qui assistent les
familles en quête de réhabilitation C’est ainsi qu’en cinq ans, de mars 2009 à
mai 2014, les services en charge de la protection de la veuve et de l’orphelin
ont identifié quelques 1800 demandes d’aides diverses de conjoints survivants
dont 550 cas de violences ; soit un cas tous les trois jours.
Cependant, il importe de
reconnaître que ces chiffres, bien qu’élevés, semblent en dessous de la réalité.
En effet, nous ne les avons pas recoupés avec ceux issus des commissariats ou
des tribunaux. D’autant que ce n’est pas encore entré dans nos mœurs d’ester en
justice, lorsqu’il y a un conflit. Néanmoins, il reste que la stratégie de
lutte pour le changement est engagée de façon significative. La justice se
voulant équitable, il faut accepter les délais qu’elle se donne pour statuer de
façon efficiente sur les cas qui sont présentés.
A cet égard, lors du séminaire
sous régional, nombreux sont ceux qui sont revenus sur le rôle des agents du ministère
de la Justice parce qu’ils sont porteurs du changement de mentalité attendu.
Dans le volet Solidarité nationale, vos services sont
régulièrement sollicités par de nombreux compatriotes. De quelle nature sont
vos aides et quels sont les critères d’éligibilité ?
En ce qui concerne
particulièrement les aides, elles sont orientées vers : les familles
économiquement faibles, les personnes vivant avec un handicap, les conjoints
survivants et les orphelins, les jeunes pères et les filles-mères, les
personnes du troisième âge, les personnes sinistrées, les enfants et les jeunes
en difficultés sociales.
S’agissant particulièrement des
familles économiquement faibles, il importe de savoir que ce sont les familles vivant
avec un revenu mensuel inférieur ou égal à quatre-vingt mille francs CFA.
A titre d’information, au terme
de l’année 2013, le FNAS a assuré sur toute l’étendue du territoire des aides
directes et indirectes à hauteur de plus d’un milliard de francs CFA.
Ces aides étaient destinées en
particulier aux personnes vivant avec un handicap, aux indigents ou encore aux
conjoints survivants. Il s’agissait notamment de prendre en charge leur frais
de santé ou de scolarité.
Il n’en reste pas moins que je
suis consciente que le département dont j’ai la charge doit mobiliser plus de
ressources et œuvrer avec plus d’ardeur pour l’assainissement du climat
social.
C’est pourquoi, j’appelle de tous
mes vœux et j’incite mes collaborateurs à une mise en œuvre beaucoup plus
rapide de la stratégie d’investissement humain du Gabon.
En quoi consiste la stratégie d’investissement humain ?
En termes simples, je dirais que
l’on peut définir cette stratégie autour de trois grandes idées.
D’abord, elle peut être perçue
comme une nouvelle vision du développement de notre pays. En effet, à ce jour,
on observe qu’un grand nombre de compatriotes sont laissés pour compte malgré
la relative prospérité du Gabon. La stratégie d’investissement humain propose
d’inverser cette tendance lourde en partant notamment du principe que la
première richesse d’un pays c’est sa population et non les matières premières
comme on a eu tendance à le penser. Jean Bodin ne disait-il pas qu’il n’y a de
richesses que d’hommes ? Donc, pour développer un pays, il importe de donner à
sa population les moyens de participer à ce développement. Ces moyens sont
l’éducation, la santé mais aussi le logement et les infrastructures. En un mot,
apporter à chaque Gabonais le bien-être physique et moral que la constitution
lui reconnaît.
Mises dans de telles conditions,
les populations participeront par leur productivité et leur créativité au développement
du pays et le partage de la prospérité sera une réalité. Ensuite, elle constitue
une nouvelle méthode de distribution de l’aide sociale au Gabon. Car désormais
nous partons de l’assistanat à une aide sociale conditionnelle qui doit être
porteuse de développement.
Enfin, elle est un plan d’action
ciblé et intégré. C’est-à-dire que ce plan concerne les secteurs que je viens
de citer. L’association d’actions dans tous ces domaines doit permettre dans
un horizon de trois à cinq ans de faire sortir de la pauvreté et de la
précarité le plus grand nombre de Gabonais ; tout en freinant la progression de
ce fléau.
En résumé, la stratégie
d’investissement humain est une nouvelle manière de partager la solidarité.
Celle-ci doit désormais, comme le veut le chef de l’Etat, Son Excellence Ali
Bongo ONDIMBA, porter sur chaque Gabonais qui en a besoin pour lui permettre de
participer à son tour au développement de notre pays.
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