Ali Bongo doit initier des réformes institutionnelles et songer à faire évoluer les tenures foncière et forestière s’il veut réellement contribuer à la lutte contre le réchauffement planétaire.
« Who’s the UNFCCC focal point of Gabon?« , titrait une gazette intitulée «Climate issues», en
décembre 2010, durant la Conférence de Cancun au Mexique. Près de 4 ans plus
tard, de nombreux observateurs ne comprennent pas que cette question n’ait
jamais été tranchée et que la situation se soit enlisée. La lutte contre les
changements climatiques nécessite des réformes de fond : bonne
gouvernance, accès aux technologies, investissements dans les innovations,
participation et engagement de tous les groupes de la société et, développement
de la coopération aux plans international, national et régional.
Non qu’Ali Bongo ait
manqué de volonté ou d’apparente ambition. Non qu’il n’ait pas essayé
d’innover et de s’inscrire dans l’air du temps. Mais la question climatique est
trop globale, trop systémique, trop incertaine d’un point de vue scientifique
pour que l’on en fasse un slogan, un élément marketing destiné à la
consommation extérieure ou la raison d’être de réformes administratives qui ne
sont, en réalité, que des dénis de droit ou refus de se conformer aux termes de
nos engagements internationaux.
Le Gabon dispose d’un point focal
climat basé à la direction générale de l’Environnement et d’un conseiller
chargé des Réductions des émissions liées à la déforestation et à la
dégradation des forêts (REDD) au cabinet du ministre en charge des Forêts. Mais
il dispose aussi d’un Conseil climat et d’une Agence d’études et d’observations
spatiales (AGEOS) basés à la présidence de la République. Le secrétaire général
de la présidence de la République se trouve même être opportunément président
exécutif du Conseil climat et directeur général de l’AGEOS. Un cumul de
fonctions inédit qui montre bien que la question climatique est subsidiaire,
traitée aux heures creuses ou par délégation voire par procuration. Plusieurs
institutions qui auraient pu apporter leur expertise hésitent donc à s’engager
franchement ou le font à reculons, comme on peut le constater par la trop
faible vulgarisation du plan climat qui, au final, n’a jusqu’à ce jour pas fait
l’objet d’une appropriation par les parties prenantes.
Il est temps de clarifier la
question institutionnelle sur le climat, de redonner à la direction générale de
l’Environnement la plénitude de ses prérogatives en la matière telle que
consigné dans la Convention cadre des Nations-unies sur les changements
climatiques. Il faut une instance qui s’occupe pleinement de la question, qui
favorise l’implication des différents acteurs, qui recherche le consensus le plus
large, qui milite pour tirer parti des expériences diverses, qui privilégie les
synergies, qui s’inscrit dans le long terme et qui recentre le rôle de
l’administration publique sur les missions régaliennes. Faut-il formuler un
vrai plan d’adaptation aux changements climatiques, disponible et
compréhensible par le plus grand nombre ? Bien que personne ne l’ait
encore proclamé publiquement, les parties prenantes le souhaitent. Ce serait
plus engageant, moins stressant et plus fécond.
Peu de résultats
A Madagascar, le traitement de la
question a été confié au Groupe thématique changement climatique, une
plate-forme d’échange, de veille, de réflexion et de proposition regroupant les
ministères concernés, les associations et ONG nationales et internationales,
les organisations de la société civile et les bailleurs de fonds. Ce groupe a
jeté par-dessus bord toutes les considérations idéologiques ou faussement
innovantes pour se consacrer sur des secteurs déjà touchés par les changements
climatiques et dont les impacts sur le quotidien des populations ne peut
souffrir la contestation, à savoir l’eau, la santé, l’agriculture, la
biodiversité dans les zones côtières, la gestion des risques et catastrophes.
Peut-on faire de même au Gabon ? A priori oui. Dans les faits, on peut en
douter. Le Conseil climat s’est donné pour mission l’élaboration et
l’orientation stratégique de la politique nationale en matière de changements
climatiques : confier cette mission à un groupe de travail chapeauté par
la direction générale de l’Environnement reviendrait à répudier ce qui fut
présenté, à grand renfort médiatique, comme une innovation de taille. Ali Bongo
a présenté le plan climat et le plan d’affectation des terres comme des
instruments d’adaptation aux changements climatiques : en dépit du peu de
résultats, il ne peut changer de braquet brusquement, au risque de s’aliéner
quelques-uns de ses plus proches collaborateurs et donner le sentiment d’avoir
plaidé pour des idées aux contours floues, sans prise sur le réel. Il
peut, en revanche, placer le Conseil climat sous tutelle du ministère de
l’Environnement et redonner à l’Institut national de cartographie les
prérogatives de l’AGEOS.
Il est temps, enfin, de
s’interroger sérieusement sur notre tenure foncière. Non Il n’est nullement
question de retirer à l’Etat la gestion exclusive des terres, mais de tenir
compte des modes traditionnels d’occupation et de gestion de l’espace. Si elles
ont permis à la puissance publique d’affirmer son autorité sur les
particuliers, les tenures foncière et forestière ont favorisé les occupations
illégales ainsi qu’une exploitation anarchique de la ressource, tout en gênant
le développement de l’agriculture. Jusqu’à quand le débat sur les tenures
va-t-il être occulté ? A ce jour, le traitement de la question climatique est
purement cosmétique. La hiérarchisation des actions d’adaptation afin de
favoriser les «mesures sans regret» et éviter les écueils de la mal-adaptation,
la définition du rôle des parties prenantes, notamment l’Etat, et la mise en
place de mécanismes de financement des plan d’adaptation aux changements
climatiques nécessitent une approche intégrée et inclusive qui, à ce jour, fait
cruellement défaut à l’option prise par le Gabon. Faut-il qu’en plus de cela la
question foncière rende impossible ou conflictuelle toute tentative de mise en
œuvre des activités retenues ?
Source: Gabonreview
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